Une prudente émergence

Traditionnellement, les négociations entre entreprises s’effectuaient sous forme de réunions physiques, au téléphone, ou par échange de courriels, selon leur nature et les personnes impliquées. Trois modes de communication extrêmement différents dans leur portée, pourtant utilisés aux mêmes fins.

Puis les salles de télé-conférence ont commencé à fleurir dans les entreprises, en enrichissant le “contact distanciel” (permettez-moi ce presque-oxymore) du sens de la vue, améliorant significativement la communication.
Pour autant, leur usage s’est le plus souvent restreint à des réunions internes, ou de réflexion ou de réseautage.
Paradoxalement, la négociation ne se satisfairait pas d’un contact visuel à distance, tout en se contentant par ailleurs d’échanges téléphoniques ou de simples courriels.

La visio-conférence en tant que telle est arrivée comme un raz-de-marée dans les pratiques individuelles. La “visio”, intégrée aux outils des réseaux sociaux, est devenue pour leurs utilisateurs une habitude, un standard de fait.
Mais cet amalgame, dans l’esprit du plus grand nombre, entre l’outil de communication et la fonction “réseau social”, a confiné la visio au rang des gadgets et freiné considérablement sa généralisation comme possible outil de négociation.

L’outil revalorisé

Le confinement sanitaire de 2020 a bouleversé les pratiques.
Exit les réunions en présentiel. Exit les salles de télé-conférence. L’espace de quelques semaines, la visio “individuelle” – celle où chacun est seul devant son ordinateur – est devenue la norme pour les échanges professionnels.

Et là, surprise ! Dans tous les compartiments, la visio a convaincu.

En lieu et place de réunions présentielles, et une fois les outils informatiques maîtrisés (sic !), la visio n’a montré que peu d’inconvénients dans la conduite des discussions, des négociations, des médiations même. A contrario, a même fait preuve de plusieurs avantages.
A l’évidence, une économie de temps et d’argent. De façon plus inattendue, une baisse de la tension entre les interlocuteurs : le double effet d’un évitement physique, et d’une plus grande décontraction vestimentaire … Un coup de pouce précieux pour une négociation, et plus encore pour une médiation.

La facilité à prendre son téléphone ou à ouvrir sa messagerie avait laissé croire que la visio était plus ardue à mettre en œuvre. Voilà, tout le monde a pris le pli, et lancer une visio s’est avéré quasiment aussi simple, et ô combien plus convivial !

Surtout, cet usage “forcé” a mis en exergue la différence entre réseaux sociaux, un usage, et visio, l’outil. Le voilà enfin remis à sa juste place, et revalorisé.

Pérenniser l’usage de la visio

Sans détour aucun, disons-le : rien ne vaut une négociation en présentiel. C’est surtout vrai pour la première, et dans une moindre mesure la dernière, des réunions de chaque négociation, celles à la plus forte énergie. Donc a fortiori pour les négociations tenant en une seule réunion.

Mais maintenant que l’outil visio est installé, profitons-en, profitez-en, pour en faire votre outil privilégié.

On dit souvent qu’une bonne préparation fait 50% du travail. Vrai.
Les autres 50%, c’est l’humain : la négociation est un processus relationnel.
Tout est dit.

D’abord, la capacité à créer une ambiance favorable, à établir la confiance.
Nous avons besoin pour cela de voir l’autre : c’est inhérent à notre condition, de façon atavique.
La première réunion, les premiers instants sont à cet égard d’une importance capitale dans la relation, et donc dans la négociation.

Vient ensuite la captation des réactions de son ou ses interlocuteur(s).
Là, le verdict est sans appel : d’accord entre tous les experts de la communication non verbale, 7% de l’information passe par les mots, 38% par la voix, et 55% par la gestuelle et les mimiques faciales !
Le téléphone peut tirer son épingle du jeu, à titre exceptionnel, entre personnes se connaissant et ayant déjà stabilisé leur mode de relation. Le courriel comme moyen unique de négociation reste un handicap, définitivement.

Hors présentiel, passez à la visio !

Êtes-vous prêt(e) ?

Préparer une négociation a donc maintenant une étape de plus.
Il faut, comme d’habitude, préparer soigneusement son dossier, sous ses aspects techniques, juridiques et financiers.
Il faut, comme d’habitude, préparer soigneusement sa stratégie de négociation, ses argumentaires, le séquencement de ses différentes phases, et tous ses aspects humains et culturels.

Clin d’oeil à un futur proche …

Il faut, pour la visio, une préparation supplémentaire.
Car au-delà de la maîtrise de l’outil informatique (dont il faut évidemment s’assurer), eh bien oui, la négociation en visio peut receler quelques pièges …

A la Prévert, citons la tendance à éluder la phase cruciale de la mise en confiance, la facilité à se déconcentrer au profit de tiers ou de son smartphone, la plus faible perception du ressenti de ses interlocteurs, le sentiment erroné de sécurité par rapport à ses propres messages non-verbaux, l’augmentation de la frustration ou du sentiment d’inutilité de ceux au rôle plus passif, la possible présence d’intrus invisibles à l’écran et les autres questions liées à la confidentialité, ou tout simplement la fatigue …

Alors, êtes-vous prêt(e) ?